mercredi 31 décembre 2008

Dialogues du film Assassins et voleurs de Sacha Guitry

Dans son bureau Philippe (Jean Poiret) est en train d'écrire, soudain un bruit provient de l'extérieur. Il éteint la lampe et, quelques secondes après, un cambrioleur, Albert (Michel Serrault), fait son entrée. Philippe rallume la lampe et Albert, surpris, se retrouve face à lui.

Philippe : Chut ! Ma femme dort dans la chambre voisine et il ne faut pas la réveiller !

(Il fait signe à Albert, interloqué) Venez !

Albert : Mais, je...

Philippe : Venez-vous asseoir là. Vous arrivez très bien. Je ne dirai pas que je vous attendais, mais presque...

Albert : Qui… Moi ?

Philippe : Oui. Vous ou un autre qui aurait été de la même espèce que vous. Vous allez me comprendre...

(Il lui montre un revolver.)

Albert : Mais... oh ! La, la !

Philippe : Non, non, n'ayez pas peur, il ne vise que moi. J'allais me suicider dans cinq ou dix minutes... Extraordinaire coïncidence ! Cette décision de m'en aller, je l'ai prise il y a quelques heures, mais ce n'est pas sans une certaine répugnance que j'allais mettre ce projet à exécution.
Votre « miraculeuse » visite va simplifier toutes choses. Vous êtes un assassin, n'est-ce pas ?

Albert : Oui. Enfin, il ne faut rien exagérer. Je suis plutôt voleur ! Seulement, il faut bien le dire, c'est une profession qui vous met quelquefois dans l'obligation de...

Philippe : De vous défendre ?

Albert : Dame, c'est qu'on peut se retrouver tout à coup...

Philippe : ...en face de gens brutaux qui ne sont pas disposés à se laisser voler sans opposer, tout de même, une certaine résistance.

Albert : Vous avez dit le mot, car, si les gens se laissaient bâillonner ou même s'ils restaient tout simplement tranquilles on ne leur ferait aucun mal. S'ils nous considéraient comme des polyvalents et non comme des voleurs, les choses ne s'envenimeraient pas. Nous, n'en voulons qu'à leur argent...

Philippe : Et ils y tiennent, bien sûr, comme vous y tenez vous-même !

Albert : Voilà.

Philippe : Vous êtes-vous souvent trouvé dans la nécessité de tuer ?

Albert : Deux ou trois fois... mais, enfin, je n'ai vraiment tué qu'une seule fois...

Philippe : Vous le regrettez ?

Albert : De n'avoir tué qu'une fois ?

Philippe : Non, d'avoir tué une fois.

Albert : Oh ! Non, non, non ! Ça, pas du tout. Car, il se passe une chose qui est vraiment curieuse nous en parlons souvent, entre nous, cambrioleurs la plupart des gens que nous nous sommes trouvés dans la nécessité comme vous dites de supprimer nous nous apercevons après que ce n'étaient pas des gens très bien, ni très honnêtes ni très propres. Et c'était justement le cas du bonhomme que j'ai descendu : un forban, c'est bien simple ! Et personne ne le savait. Donc, sa mort ayant mis un terme à ses escroqueries, c'est à moi qu'on le doit. Mais je vous ai coupé la parole... revenons à votre suicide car, je me demande à quoi vous voulez en venir...

Philippe : A ceci : puisque me voilà nez à nez avec un homme dont c'est un peu la profession...

Albert : Oh...

Philippe : ...je vais vous demander de bien vouloir me suicider vous même...

Albert : Froidement, comme ça ?

Philippe : Ça vous ennuie ?

Albert : Oh ! C'est pas que ça m'ennuie, mais enfin, ça me gêne un peu, parce que ça va manquer de légitime défense ! Le consentement de la victime est une chose rare, vous savez !

Philippe : Ce n'est pas un consentement ! C'est un service que je vous demande ! D'ailleurs, dites-moi la somme que vous voulez et... je ne la discuterai pas, si vous êtes raisonnable !

Albert : hein ! Ça vaut cher !

Philippe : Pas tellement. Voyons, vous ne courrez aucun risque...

Albert : Ah.

Philippe : Mais non !

Albert : Tout de même, si.

Philippe : Puisqu'il y aura mon testament dans lequel je déclare que je vais me suicider... vous êtes donc couvert ! Dans le cas improbable où vous serez enquêté, mais vous ne le serez pas si vous suivez mes directives ! Vous tirez de tout près, comme si c'était moi qui tenais le revolver. Aussitôt le coup parti, vous le posez à terre, la crosse retournée de mon côté, tout comme s'il était tombé de ma main droite. Vous repartez par la fenêtre en refermant les volets, mais il faut le faire très vite, avant que ma femme n'arrive. Vous reprenez votre échelle, et vous allez la remettre là où vous l'avez prise !

Albert : Ah ! Oui. Oui, c'est ingénieux, évidemment ! Et, d'autre part, le testament doit écarter tous les soupçons, comme vous le disiez !

Philippe : voila pourquoi, je vais vous demander de me faire grâce d’environ vingt minutes le temps de l’écrire ce testament précisément que je commencé lorsque vous êtes entrez et vous voyez que je ne vous mens pas.

(Il lui montre le testament.)

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